La meilleure
raison pour laquelle j'ai pris un cours de cuisine spécial Macarons
au printemps était terre à terre et rationnelle : acquérir une
technique solide pour réaliser ensuite des macarons aux parfums qui
me chantent. De retour chez moi, la première tentative fut un échec
assez cuisant, j'ai donc enterré momentanément cette recette. Mais
mes repères étaient par trop intimidants : le beau macaron de chez
L. --au blason redoré quelques années par Pierre Hermé, vous
suivez...--, lisse et calibré au poil, gonflé pas plus qu'il ne
faut, accolade parfaite de deux demi-coques soudées par une ganache
merveilleuse. Partir de ce point fait frémir, surtout quand on parie
sur une part de gourmandise teintée d'amusants préparatifs. Ce
faisant, d'autres macarons présentent un intérêt gustatif aussi
fort sans arborer la même allure altière de douceur léchée et
suave – Macarons de Lorraine, macaron Hollandais en forme de
tulipe...
Le leitmotiv
du cours était le respect à la lettre des poids, gestes,
températures --du four et température extérieure--, hygrométrie...
autant d'éléments qui me découragent avant d'entamer une session
cuisine. Renseignements pris, j'avais décidé de me laisser du lest
pour ma deuxième tentative. Chaleur extérieure avoisinant les 30ーC,
pas de risque d'hygrométrie élevée, tour de main acquis, blancs
d'oeuf déliquéfiés comme le conseille Pierre Hermé : c'était
lancé !
L'inspiration
m'a été soufflée par Sadahoru Aoki, dans un dossier spécial
Macarons enfoui depuis un an dans ma pile de magazines culinaires.
L'envie d'associer la saveur légèrement amère du matcha à
la saveur sucrée des coques et à l'onctuosité fondante de la
ganache au chocolat blanc. Cette association de saveurs pas
énormément exploitée redonne de la tenue au chocolat blanc et
colore gaiement le tout. Un authentique microcosme gourmand au
carrefour* de la pâtisserie traditionnelle française et du goût
raffiné du Japon.
Après
avoir goûté les macarons
dodus et légèrement rustiques du Poussin Bleu
à Toulouse, je n'avais plus cette pression paralysante de devoir
accéder au macaron 'parfait' de chez L. par exemple. Leurs boîtes
trônent de-ci de-là dans ma cuisine, mais depuis qu'elles sont
vide, elles font plus office de réceptacle à bazar que d'écrins à
chocolats.
Le
macaron,
n.m., provient de l'italien macarone
(macaroni), petite pâtisserie sèche, de forme ronde ou ovale, faite
d'amandes en poudre, de blancs d'oeuf et de sucres (glace et poudre).
Plus loin, le verbe macaroner
désigne l'action de mélanger intimement, à l'aide d'une spatule
souple appelée aussi maryse, les blancs d'oeuf en neige, la poudre
d'amande et les sucres. Elle est l'étape-clef de la réussite des
macarons, mais je considère que dans la confection de cette recette,
tout moment devient clef.
Depuis
le Moyen-Âge**, la consommation d'amandes est à la fois réservée
aux malades et à celles et ceux qui ne consomment pas de protéines
animales. Sur ce principe-là, vers la fin du XVII° s. à l'abbaye
Notre-Dame de Consolation (Nancy), où la consommation de viande est
proscrite, les amandes fournissent une excellente source d'énergie
aux abbesses. Le précepte de Sainte-Thérèse d'Avila est mis en
pratique, et les religieuses se mettent à confectionner une grande
variété de pâtisseries à base d'amandes, dont les désormais
fameux macarons de Nancy. Pour décrire le macaron, on parle
poétiquement de
corps
(les demi-coques assemblées) et de coeur
(la ganache ou le remplissage).
La
poudre de thé vert matcha
provient de la ville d'Uji dans la région de Kyōto.
Elle est utilisée pour le cha no yu, cérémonie classique
du thé japonaise, ou comme colorant et arôme en pâtisserie. Après
leur récolte, les feuilles de thé sont étuvées, séchées et
finement broyées entre deux pierres, opération qui permet
l'obtention de cette poudre verte si particulière, de couleur de
jade, extrêmement fine et fraîche au palais.
Pour 35 à 40 macarons
de gabarit 3,5 cm soit 70 à 80 coques :
-90 g de blancs d'oeuf (à
peu près les blancs de 3 petits oeufs)
-200 g de sucre glace
-110 g de poudre d'amande
-20 g de sucre en poudre
-1,5 g de poudre de thé
vert matcha.
Passez les sucres et la
poudre d'amande au tamis.
Dans un saladier, battez
les blancs d'oeuf en neige très ferme. Aux ¾ du montage, incorporez
le sucre en poudre en 2 fois en continuant à battre. Si vous
choisissez de mettre un colorant (poudre ou liquide), l'incorporer à
cette étape.
Saupoudrez petit à petit
le mélange amandes/sucre glace sur les blancs, en pratiquant un
mouvement circulaire dans le saladier, de façon à racler
délicatement les bords et revenir au centre pour mêler les blancs
aux poudres, et répétez ainsi très doucement jusqu'à ce que vous
ayez versé toute la poudre d'amandes et le sucre glace.
Même
si cette étape du macaronnage semble fastidieuse, elle est capitale
–en plus elle musclera rudement bien vos biceps, vos triceps et le
court abducteur du pouce sera aussi très sollicité !-- et
souvenons-nous que nos grands-mères ne procédaient pas autrement
pour confectionner leurs meringues.
Conformément
aux exigences du macaronnage, la pâte obtenue doit être lisse,
homogène, et souple, et se détacher comme un ruban de la maryse
quand vous la soulevez. Bref,
être aussi élégante et soyeuse qu'une lavallière en soie.
Pour cuire
vos coques, vous aurez sans doute besoin de chemiser ou étaler 2
plaques de silicone à cuisson (30x38 cm) sur les grilles du four.
Marina, du site
Puregourmandise, conseille la règle de 3 : 3 lèchefrites ou
grilles pour four afin de répartir la chaleur de manière optimale.
Elle fournit les gabarits, qui sont ultra- nécessaires pour réaliser
des coques égales. Téléchargez-les depuis son site.
Dresser les
dômes à la petite cuillère ou à la poche à douille, c'est plus
aisé. Le dôme s'étalera légèrement. Pour éviter qu'ils se
touchent, utilisez le modèle à gabarits ou espacez-les de 2 cm.
Maintenant,
laissez « croûter » les coques pendant 1 heure au moins.
Cette étape sèche le dessus des coques, qui devient lisse, brillant
et se durcit un peu. Elle est fondamentale, aussi je vous conseille
de ne pas l'écourter, quitte à 'oublier' les coques plusieurs
heures.
Pour la
cuisson, préchauffez votre four 15 minutes th. ¾, à 140°C ou
150°C selon qu'il est fort ou doux. Enfournez les plaques 15 minutes
environ, les coques doivent être juste prises.
Sortez
immédiatement les plaques du four. Laissez refroidir avant de
décoller les coques. Pendant ce temps, préparez la ganache.
Pour la ganache au thé
vert matcha et chocolat blanc :
-84 g de chocolat blanc à
pâtisser
-48 g de crème
-3,6 g de poudre de thé
matcha
-56 g de beurre pommade.
Faire bouillir la crème,
versez-la sur le chocolat haché, mélangez au fouet. Ajoutez le
beurre pommade, le thé matcha et mélangez bien.
Montage : déposez une
cuillerée de ganache sur les demi-coques et assemblez avec les
demi-coques restantes.
Conservez au frais
jusqu'au moment de servir.
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Recette de la ganache
tirée de « Macaron thé matcha », AOKI
Sadaharu, in Desserts, Printemps-été 2009, n° 1, p. 24.
*DELACOURCELLE
Philippe, Le goût du Japon, Itinéraire d'un cuisinier français
au pays du Soleil-Levant, Jean-Paul Rocher Editeur, Paris, 2009.
**BOUAS
Florence, VIVAS Frédéric, Du fait de
cuisine, Traité de gastronomie médiévale de Maître Chiquart,
Actes Sud, 2008, 194 p.
En parallèle, jusqu'au
29 août 2010, « A table au Moyen-Âge » exposition au
château
de Langeais.
Gabarits des macarons
(plusieurs diamètres disponibles) à télécharger : http://puregourmandise.com/
Pour
la jolie enseigne de mosaïques, la devanture qui sollicite les yeux
et les papilles :
Au
Poussin Bleu-Pâtisserie
45
Rue du Languedoc
(proche
Halles des Carmes)
31400
Toulouse.
Salon de thé toulousain La Roulotte : 40 bis Rue Peyrolière 31000 Toulouse. Un blog, un univers.